La prévention du cancer par l’alimentation

Richard Béliveau, docteur en biochimie et professeur émérite

Le cancer continue de défier les progrès de la médecine moderne et demeure, après cinquante ans de recherche intensive, une maladie énigmatique, responsable chaque année de la mort prématurée de millions de personnes. Si certains cancers sont maintenant traités avec succès, plusieurs autres demeurent extrêmement difficiles à combattre et constituent une cause importante de mortalité parmi la population active de la société. Plus que jamais, la découverte de nouveaux moyens de combattre ce fléau revêt une importance capitale.

L’IMPACT DE L’ALIMENTATION SUR LE DÉVELOPPEMENT DU CANCER

On estime actuellement que 30 % de tous les cancers sont directement reliés à la nature du régime alimentaire des individus, ce pourcentage pouvant même atteindre jusqu’à 70 % dans le cas des cancers du système gastro-intestinal (œsophage, estomac et côlon). Parmi les facteurs alimentaires ayant le plus d’influence sur le développement du cancer, de nombreuses études épidémiologiques dans des populations humaines ont montré que la consommation de fruits et légumes était associée à une baisse importante du risque de développer la maladie. Ces observations sont appuyées par de nombreuses données expérimentales acquises sur des modèles cellulaires et animaux où l’ajout de molécules isolées d’aliments permet aussi bien de provoquer la mort de cellules tumorales par apoptose que de renverser le développement de plusieurs cancers. Ces études suggèrent donc que les fruits et légumes, en plus d’être source de vitamines et de minéraux, constituent également une arme efficace pour contrer le développement du cancer.

LES VÉGÉTAUX, UNE SOURCE D’AGENTS ANTI-CANCÉREUX

La recherche effectuée au cours des dernières années est en effet parvenue à mettre en évidence que plusieurs végétaux faisant partie du quotidien alimentaire de certaines cultures constituaient des sources exceptionnelles de molécules possédant la capacité d’interférer avec divers processus moléculaires à l’œuvre dans le développement des cancers. Ces molécules, appelées composés phytochimiques, sont présentes en très grandes quantités dans plusieurs aliments et boissons consommés par l’homme. Une alimentation quotidienne contenant un mélange de fruits, de légumes et des boissons tels le thé vert contient environ 1 à 2 g de ces composés phytochimiques par jour, ce qui correspond à l’ingestion d’environ 5,000 à 10,000 composés différents. Ces molécules font partie de familles chimiques bien définies, comme les polyphénols (flavonoïdes, isoflavones, catéchines), les composés sulfurés (isothiocyanates, diallyl sulphides) et les terpènes (caroténoïdes, monoterpènes). À plusieurs égards, les aliments contenant de grande quantité de ces molécules possèdent des propriétés pharmacologiques analogues à celles de médicaments d’origine synthétique. Cependant, alors que les médicaments synthétiques présentent une certaine toxicité pour l’organisme en utilisation chronique, ce qui limite leur utilisation à des fins de prévention, les molécules anticancéreuses présentes de façon naturelle dans les aliments ont été sélectionnées par l’évolution comme étant bénéfiques pour la santé et sont donc dépourvues d’effets secondaires néfastes.

La consommation régulière d’aliments riches en composés phytochimiques peut donc être comparée à une sorte de chimiothérapie préventive, dans laquelle ces composés anticancéreux créent un environnement inhospitalier pour les tumeurs microscopiques et parviennent à les maintenir dans un état latent et inoffensif.