Vivre l’unique aujourd’hui

À chaque nouvelle année, on s’interroge sur le futur. Mais le futur existe-t-il vraiment? La sagesse est peut-être de comprendre qu’il n’existe rien d’autre que l’aujourd’hui.  Qu’il n’existera jamais rien d’autre. Puisque demain, lorsqu’il viendra, sera simplement un autre aujourd’hui.

Personne ne peut vivre dans le futur, pas plus qu’il ne peut vivre dans le passé. Il y a seulement l’aujourd’hui qui lui est prêté pour réaliser son destin.

Voilà ce que Sir William Osler répétait toujours à ses élèves en médecine. Cette constatation lui était venue pendant ses propres études à McGill. Il avoue qu’il s’inquétait alors beaucoup à l’approche des examens de fin d’année et du début de sa carrière. C’est à cette époque tendue de sa vie qu’il lut un livre de Thomas Carlyle. Il y découvrit précisément ce qui lui manquait.

Carlyle disait : « Notre préoccupation majeure n’est pas de distinguer un futur embrouillé mais d’accomplir ce qui s’impose clairement à nous ». Cette thérorie avait permis à Osler d’en arriver au point où il en était. Voilà pourquoi il tentait constamment d’inculquer à ses élèves l’importance de sa découverte personnelle.

Il en parlait comme d’un mode de vie dont le message premier se résume au fait que la vie présente, celle d’aujourd’hui, vécue avidement, intensément, est notre seule assurance pour le futur.

On peut affirmer sans risque de se tromper que la plupart des résolutions du Nouvel An ne se concrétiseront jamais. Elles échoueront non seulement parce que la volonté viendra à manquer, mais surtout parce qu’elles sont fondées sur un monde qui n’existe pas encore, un mythe que les hommes nomment le futur.

Qu’importent les résolutions pour la nouvelle année… Ce qu’il nous faut ce sont des résolutions pour maintenant. À défaut de le comprendre, bien des gens talentueux demeurent improductifs. Ils se concentrent sur des plans, des espoirs, des intentions, et attendent ce lendemain qui ne vient jamais, sans comprendre qu’aujourd’hui est le lendemain d’hier.

Tout bonheur se niche dans la vie de tous les jours. S’il est impossible de découvrir
le bonheur dans les réalités quotidiennes, comment espérer le trouver dans les illusions du futur ?

Les avantages du présent passeront inaperçus à celui qui cherche toujours plus loin. L’historien, Hartpole Lecky, écrit dans son essai philosophique The Map of Life :

« C’est seulement lorsqu’un grand malheur interrompt notre vie habituelle et nous arrache un talent ou un avoir que l’on en apprécie la valeur. Il existe, dans la plupart de nos vies, des moments où l’on donnerait tout au monde pour revenir en arrière, bien que cet hier soit passé inaperçu et inapprécié.»

Le secret d’une vie heureuse, précisait-il, est «d’acquérir l’habitude de prendre conscience de la chance qui nous sourit au moment même où elle nous sourit.» La plus grande tragédie est donc de remettre sa vie à plus tard, de reporter la réalité d’aujourd’hui à l’irréalité de demain.

Sage est donc celui qui s’en rend compte à temps.