Rien n’est impossible

par Jean Fils-Aimé, PH.D.

Vous êtes-vous déjà demandé d’où vient qu’un humain puisse survivre presque en même temps à la disparition de sa famille (père, mère, frères, sœurs ou époux(se), enfants), à la détérioration de sa santé, à la perte d’un emploi bien rémunéré, sans qu’il ne s’effondre lui-même ; tandis qu’un autre va penser au pire uniquement dans la perspective d’une rupture amoureuse ? Cette question, je me
la suis posée après avoir visionné, en 2004, le film biographique de Ray Charles.

Le nom de Ray Charles est légendaire et son succès est passé en proverbe. Pourtant, ce jeune homme était promis à tout sauf au succès. De fait, si je veux être moins politically correct, Ray Charles était condamné à être un délinquant, un inadapté social, destiné à finir ses jours en prison. Il aurait pu traîner dans un hôpital psychiatrique ou périr sous les balles assassines d’un dealer de drogue.

En effet, Ray Charles est né et a grandi dans l’Amérique profonde, dans une famille pauvre, constituée d’anciens esclaves, le 23 septembre 1930 à Albany, en Géorgie, un état du sud des États-Unis, en un temps où la ségrégation raciale et le Ku Klux Klan faisaient et défaisaient des hommes. Et comme si ce sort ne comportait pas son lot suffisant de misères et d’humiliations, il assista impuissant, à l’âge de cinq ans, à la noyade de son jeune frère. Quelque temps plus tard, il devint aveugle des suites d’un glaucome. À l’adolescence, il avait déjà perdu ses deux parents. Conséquemment, il fut transféré dans un institut pour aveugles. Cependant, la couleur de sa peau devait lui aliéner le personnel enseignant. En tant que noir, on lui refusait le droit d’apprendre certaines matières, en particulier la musique !

En outre, lors d’une entrevue qu’il a accordée aux journalistes, il déclara : « Je n’avais absolument rien. Ma mère, la personne que j’admire le plus au monde, pouvait à peine signer son nom.
On était affreusement pauvre. Dans mon village, tissé de préjugés, j’étais considéré comme un monstre, puisque j’étais le seul gamin aveugle du coin. Bref, je n’avais rien sauf un cerveau qui fonctionnait bien et une détermination à vivre coûte que coûte ». Même cette dernière phrase, je la tiens de ma mère qui me répétait à longueur de journée : « Tu es un garçon normal. Ton cerveau fonctionne normalement. Tu es simplement aveugle ».

ET MOI QUI PENSAIS QUE LA VUE C’ÉTAIT LA VIE

On m’a toujours appris que la vue, c’est la vie ! À l’évidence, Ray Charles pensait autrement. En effet, pour lui, la vie réside dans la détermination, dans le combat, dans la lutte. La lutte contre l’acharnement de la nature, le défaitisme, les solutions faciles, la lutte contre soi-même, pour se surpasser toujours, encore et encore. C’est donc au gré de ces luttes épiques qu’il est devenu l’un des plus grands pianistes de jazz et sûrement le fondateur émérite de l’envoûtant style musical, connu sous le vocable Soul. En sorte qu’à sa mort à Beverly Hills, le 10 juin 2004, il est devenu une icône de l’american dream ou de l’american success. Que de combats, que de luttes, quelle distance entre sa Géorgie natale (1930) et le mythique Beverly Hills (2004) !

Voilà une parfaite illustration de ce que les médecins et les psychologues appellent la résilience. On la définit comme « la capacité inhérente à l’être humain de surmonter d’énormes obstacles ». Quant à moi, elle est « la capacité humaine de rebondir après les vagues de la vie ». En tout cas, elle n’est pas sans rappeler le « fameux instinct de survie » du vieux Charles Darwin.

Personnellement, les récits biographiques ou autobiographiques constituent mon genre littéraire de prédilection. Or, quand on se questionne sur la cause profonde du succès des hommes et des femmes, que ce soit, en affaires, dans la science, en amour, dans les arts ou en politique, etc., on retrouve ce leitmotiv, un principe fondamental, le voici :

« AU FOND DE TOUTE ADVERSITÉ COUVE LE GERME D’UNE BONNE OCCASION »

Ce principe n’a jamais été démenti. Loin de là ! Albert Einstein a échoué à son cours de maths au secondaire ; cela ne l’a pas empêché d’être l’un des plus grands physiciens de tous les temps. Thomas Edison a essayé plus de 900 types de filaments avant d’en trouver un capable d’allumer une ampoule. Walter Elias Disney a fait cinq fois faillite, avant de bâtir Disneyland. C’est donc vrai, les adversités font partie de la vie. Et elles sont là pour rester. Pourtant, elles sont un élément important de notre apprentissage et de notre gestion du succès. C’est en acceptant nos échecs et nos revers que nous pouvons continuer à apprendre et à progresser dans l’enthousiasme et la satisfaction. Napoléon Bonaparte a dit une fois : « L’adversité est la sage-femme du génie ».

Au regard de la résilience, il serait peut-être utile de clore par ces vers de Victor Hugo :
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ;
Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front.
Ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.